Cipriano De Rore

11 mai 2014 17:00 Abbatiale de Romainmôtier Dès 10 ans Durée : 1h30
Des places sont en vente à la Porterie à Romainmôtier dès 14h00.

Programme Passio Domini Nostri Jesu Christi secundum Johannem, Cipriano de Rore (ca. 1515–1565)

Paul Van Nevel
Direction
Sabine Lützenberger
Mezzo
Witte Maria Weber
Alto
Bernd Oliver Fröhlich
Ténor
Matthew Vine
Ténor (l‘évangeliste)
Matthew Gouldstone
Basse
Guillaume Olry
Basse (le Christ)
Dimos Debeun
Flûte-à-bec renaissance
Peter De Clercq
Flûte-à-bec renaissance
Silke Jacobsen
Flûte-à-bec renaissance
Wim Becu
Saqueboute
Harry Ries
Saqueboute
Passio Domini Nostri Jesu Christi secundum Johannem
Intermedium I : Ad te levavi occuli
Adducunt ergo Jesum
Intermedium II : Musica instrumentalis
Susceperunt autem Jesum
Intermedium III : Agnus Dei
Judaei ergo quoniam parasceve erat

Passio Domini Nostri Jesu Christi secundum Johannem

Composée à la cour de Ferrare entre 1544 et 1557, cette Passion selon St Jean est non seulement un merle blanc dans l’œuvre de Cirpriano de Rore, mais occupe une place à l’écart dans l’évolution de la Passion polyphonique en général. Rore y renonce à l’ornement « profane » cher aux padrigalistes du XVIe siècle, lui opposant un respect rigoureux, presque exagéré pour les sources musicales de la liturgie de la Passion, le chant grégorien.

La Passion grégorienne est le véritable fil conducteur de l’œuvre et donne à celle-ci ses normes rhétoriques et ses structures musicales. Les parties de la narratio (parties du récitant) et les diverses voix personnifiées se détachent les unes des autres par les cadences finales, les changements dans la distribution et certains éléments de style. Mais le style grégorien reste l’élément central de l’œuvre. Rore attribue à chaque partie un nombre de voix constant : la narratio est toujours exécutée à quatre voix, la partie du Christ à trois voix avec un cantus firmus souvent ornementé, les turbae (paroles collectives : disciples, Juifs, soldats, etc.) sont à six voix, avec deux parties de ténor et d’alto. Les rôles secondaires (soliloquentes : entre autres St Pierre, Pilate) suivent une forme de bicinium (« chant double »)

Hormis quelques exceptions significatives, l’œuvre est composée intégralement sur le mode lydique (fa2 - do3-fa3), désigné depuis le Moyen Age par le « ton de la Passion ». Seule la partie du Christ évolue la plupart du temps sur une suite de tons en majeur et comporte donc un bémol.

Rore a réussi à calquer l’oratio musicale sur la lectio grégorienne, ce qui apparaît en particulier dans la narratio, où il conserve dans la mesure du possible le rythme parlé. Il appuie la narratio sur la structure homophone verticale du « falsobordone » qui, défiant toutes innovations rythmiques de mensuration et de proportionnalité, suit uniquement la déclamation. La narratio pourrait donc se définir dans ce contexte comme un « chant grégorien polyphonique accompagné ». On trouve cependant dans les nombreuses parties de narratio du manuscrit deux passages à notation mensuraliste.

Mis à part la narratio de style récitatif, toutes les parties de cette Passion sont écrites en notation mensuraliste. La partie du Christ à trois voix présente la particularité d’une écriture pour les registres graves de la basse et du baryton.

Même dans la polyphonie, Rore respecte la structure des cadences grégoriennes lorsque celles-ci ont un rôle rhétorique significatif : comme dans la Passion grégorienne, il distingue les cadences sur la tonique, la dominante ou la tierce. Lorsque la narratio est suivie par les paroles du Christ, la dacence est toujours plus longue et plus ornementée.

Renonçant aux madrigalismes qu’il exploite dans ses autres œuvres, Rore se sert ici du style parlé et de figurations rhétoriques subtiles greffées sur le modèle grégorien. C’est le cas notamment dans les paroles du Christ, où le compositeur reprend l’interrogatio (par ex. « Quem queritis ? »), la terminatio (par ex. « Ego sum ») et la meditatio (par ex. « Si ergo me quaeritis ? ») du chant grégorien. Dans les soliloques à deux voix le cantus firmus se trouve généralement dans la voix inférieure. Très rarement, Rore modifie la phrase grégorienne, par ex. dans le texte « Quam accusationem », où il veut donner au cantus firmus un mouvement de chute au moyen d’une figure descendante.

La rhétorique des turbae à six voix est également calquée sur le style grégorien. Là encore, Rore évite le madrigal comme une solution trop commode au profit de tournures et de techniques grégoriennes subtiles qui donnent à ces passages leur force intérieure. L’aspect méditatif y est certes moins prononcé que dans les narrationes, et pourtant les turbae expriment une puissance dramatique contenue que des madrigalismes n’auraient su traduire.

A trois reprises, le récit de la Passion est interrompu par des compositions de Cipriano de Rore. Les intermèdes de ce type étaient alors répandus dans la musique profane. Quoique détachés de la sphère de la Passion, ils y trouvent néanmoins une fonction – celle d’offrir un moment de répit et de rappeler à l’auditeur la culture musicale spécifique dont est issue la musique de la Passion. Deux de ces intermèdes, précurseurs du choral baroque, commentent en quelque sorte les événements.

Le texte de la Passion selon St Jean correspond aux éditions du Missel vénitiens de la première moitié du XVIe siècle. L’ordre des textes suit cet ancien modèle en contraste avec la nouvelle version du Missel de 1570. Quelques rares divergences apparaissent dans des mots isolés, par ex. « At ille respondens » au lieu de « At ipse respondens ».

Rore a su créer dans cette œuvre un langage musical hors de son époque, qui nous rappelle avec d’autant plus de force que le chant grégorien et les rituels qui lui appartenaient restent la source de la musique liturgique.

Paul Van Nevel (traduction : Mariette Müller)

Le Huelgas Ensemble

Le Huelgas Ensemble est reconnu depuis plus de quarante ans comme l’un des meilleurs ensembles pour l’interprétation de la musique polyphonique du Moyen Âge et de la Renaissance. L’ensemble est célèbre dans le monde entier pour ses programmes originaux constitués pour la plupart d’œuvres inédites et inconnues. L’approche inhabituelle et la pureté de l’intonation surprennent encore et toujours le public.

L’Ensemble Huelgas se produit dans les plus grands centres musicaux mondiaux, comme les « BBC Proms » à Londres, le « Lincoln Center » à New York, la « Cité de la Musique » à Paris, la « Philharmonie » de Berlin, la « Fondation Gulbenkian » à Lisbonne, ou encore le « Centro Cultural de Belem » à Lisbonne. L’ensemble est également invité régulièrement dans tous les grands festivals de musique ancienne, où il peut alors se produire dans son « environnement naturel » que sont les chapelles anciennes, les églises et autres monastères. Ainsi, à travers ces concerts, l’ensemble propose une passerelle interdisciplinaire entre l’architecture et la polyphonie. Sous le patronage de « BOZAR » à Bruxelles, le Huelgas Ensemble effectue depuis plus de vingt ans un cycle annuel de trois concerts très appréciés du public.

Les interprétations du Huelgas Ensemble reposent sur une connaissance approfondie de l’esthétique du discours musical et sur la pratique spécifique du chant au Moyen Âge et à la Renaissance. Les médias et la presse soulignent à chaque occasion la vitalité spontanée et la clarté particulière avec lesquelles le Huelgas Ensemble présente son répertoire et établit sans cesse de nouveaux standards. En regard de ses qualités musicales, de plus en plus de compositeurs demandent au Huelgas Ensemble d’interpréter leurs œuvres (par ex. Rihm, MacMillan).

La discographie du Huelgas Ensemble comprend actuellement plus d’une soixantaine d’enregistrements d’œuvres vocales et instrumentales allant du XIIIéme à la fin du XVIème siècle, avec notamment des disques consacrés à Dufay, Brumel, De Rore, Richafort, De Kerle, Ferrabosco, Palestrina, Lassus et Ashewell. Les disques sont enregistrés avec Seon, Sony Classical, Harmonia Mundi France, Deutsche Harmonia Mundi ou encore ECM. La discographie 2012-2014 comprend entre autres le « Eton Choirbook », les « Meslanges » de Claude Lejeune, « L’oreille de Zurbarán » et l’enregistrement de la pièce du compositeur allemand Wolfgang Rihm, « Et Lux », pour huit chanteurs et quatuor à cordes.

Récompenses : plusieurs prix Caecilia de la presse belge, « Choc du Monde de la Musique », « Diapason d’Or », le Prix Edison, un « Classical Award pour la musique ancienne » de Cannes, le « Prix d’honneur » de l’Académie Charles Cros, un « Prix de carrière » de la radio classique belge « Klara », une distinction de « l’Union des Radios Européennes », une autre distinction par la radio canadienne ainsi que le prix musical allemand « ECHO Classique » décerné en 1994, 1997, 2010 et 2011.

L’Ensemble Huelgas est soutenu par le gouvernement flamand et l’Université Catholique de Louvain.

www.huelgasensemble.be

Paul Van Nevel

Paul Van Nevel est le directeur artistique du Huelgas Ensemble qu’il a fondé en 1971, pour compléter ses activités à la Schola Cantorum de Bâle. Pionnier et figure de proue de l’ exploration ainsi que de l’interprétation de la polyphonie européenne du XIIème au XVIème siècle , Paul Van Nevel effectue une approche interdisciplinaire en partant des sources originales tout en tenant compte du contexte culturel de l’époque (la littérature , la prononciation restituée , le tempérament, le tempo, la rhétorique, etc.). Il est toujours à la recherche d’œuvres méconnues et porte une attention toute particulière aux trésors de la polyphonie flamande.

Paul Van Nevel est professeur invité à la « Musikhochschule » de Hanovre et est également, depuis plus de 25 ans, chef invité du « Chœur de chambre des Pays-Bas ».

Paul Van Nevel a notamment écrit une monographie consacrée à Johannes Ciconia ainsi qu’un livre sur Nicolas Gombert. Il a également transcrit de la musique de la Renaissance pour les éditions allemandes Bärenreiter.

Paul Van Nevel possède une excellente connaissance des collections des bibliothèques musicales européennes qu’il met à profit pour interpréter avec son ensemble des œuvres pour la plupart inconnues du grand public. Ses programmes surprennent par leur conception originale et par une maîtrise exceptionnelle du répertoire de la polyphonie du Moyen Âge et de la Renaissance.

Paul Van Nevel a reçu de nombreux prix, dont le « Prix d’honneur » de l’Académie Charles Cros (1994), plusieurs « Diapason d’Or » (Diapason) ainsi que des « Choc de l’année » (Le Monde de la Musique), le prix Edison, le Classical Award de Cannes , plusieurs prix « Caecilia » de la presse belge , un “Prix pour sa carrière” de la radio classique belge « Klara » et également plusieurs prix « Echo Klassik » de la presse musicale allemande. La presse internationale a réservé un accueil particulièrement élogieux au dernier enregistrement du Huelgas Ensemble consacré au « Eton Choirbook » ( Sony Classical , 2012).

Paul Van Nevel est internationalement reconnu comme un grand connaisseur du cigare.

Début : / Portes :


Place du Bourg 5
1323 Romainmôtier